Un homme d’une vingtaine d’années, déjà placé en détention depuis près d’un an, était présenté devant la justice pour des faits de vol avec dégradation dont il n’a gardé aucun souvenir. Pourtant, loin de nier, il a fait amende honorable, face à une victime peu désireuse de l’accabler davantage.
Monsieur A. entre en tenue de sport rouge fluo, il débarque tout juste de Fleury-Mérogis où il purge déjà une peine. Devant la 9e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, il comparaît pour un vol avec effraction commis en récidive en octobre 2021 à Épinay-sur-Orge. La victime, Monsieur S., a pris place devant lui, élégamment vêtu d’un grand manteau à motif pied-de-poule.
« Si ma carte de crédit a été retrouvée, je reconnais les faits »
Le jour des faits, les policiers ont été appelés à un domicile dont le propriétaire vient de surprendre un homme qui a pris la fuite. Ce dernier a fait effraction en passant par la salle de bains après avoir cassé un carreau avec une pierre. Son sac est retrouvé contenant deux médailles militaires et des carnets de chèque… mais aussi la carte bancaire du prévenu.
Monsieur A. a finalement été auditionné en octobre 2023 et a affirmé ne se souvenir de rien. Face à la juge, sa version n’a pas bougé d’un pouce : « Je vais être honnête, j’ai commis des méfaits dans ma vie dont je ne suis pas fier. Il m’est arrivé des problèmes en détention. J’ai été hospitalisé après avoir été pris à partie par bon nombre de détenus. Devant l’évidence des faits, je me dois de les reconnaître mais je n’ai pas de souvenirs exacts. J’ai des pertes de mémoire. » Il plante son regard dans celui de Monsieur S. et reconnaît simplement les faits : « Si ma carte de crédit a été retrouvée, je reconnais les faits. »
Le prévenu est en détention à Fleury-Mérogis depuis juin 2022 et doit sortir en mars 2026. « C’est pas 2025 ? », s’alarme-t-il comme s’il découvrait l’information. La juge énumère les 19 mentions à son casier judiciaire, dont certaines pour outrage, refus d’obtempérer, menace de mort, détention de stupéfiants. Elle l’interroge sur sa situation personnelle, peu évoquée dans le dossier : « J’ai détruit ma famille, il n’y a plus personne autour de moi, il n’y a plus qu’une personne qui est encore à mes côtés, mais ma mère ne veut plus me voir. J’ai beaucoup consommé de stupéfiants et ça a bousillé ma vie. » Visiblement, il en a aussi tiré les conséquences. Monsieur A. affirme qu’il ne consomme plus rien depuis deux mois. « J’entrevois un avenir, peut-être avec cette femme. »
Monsieur S. est appelé à la barre.
– « Souhaitez-vous vous constituer partie civile ?
– Négatif. »
La juge veut être sûre qu’il comprend bien ce que signifie son refus, mais Monsieur S. semble avoir parfaitement pesé le pour et le contre et connaître les conséquences de cette décision : « Monsieur a reconnu sa responsabilité, dont acte. Les médailles qui n’ont pas été retrouvées, je les ai remplacées. J’ai été remboursé par l’assurance pour les dégâts causés. On ne va pas aggraver son cas. »
« J’ai passé mon deuxième anniversaire en prison »
« Un point de vue que ne partage pas le ministère public », rétorque le procureur en préambule de son réquisitoire. Néanmoins la reconnaissance des faits est plus claire qu’à l’audition. « Ce sont des éléments que je prendrai en compte, renchérit-il. Je suis plus inquiet sur le casier judiciaire avec des faits de toute nature. Ça interroge sur le rapport qu’il a avec les autres, avec les institutions. » Il requiert trois à quatre mois d’emprisonnement ferme.
Seul pour se défendre, Monsieur A. présente des excuses sincères à Monsieur S. et profite de cette dernière occasion pour faire entendre sa volonté de rompre avec ce passé chargé. « J’étais perdu, je vivais un film dans ma tête. J’ai compris les choses quand j’ai perdu ma mère, mes frères. Il n’y a plus que ma femme qui se bat pour moi. J’ai passé mon deuxième anniversaire en prison, j’ai 26 ans, j’ai pris conscience des choses. Je veux avoir une vie normale. »
Emmené hors du box, il adresse un long regard à une jeune femme dans la salle, qui tapote avec son mouchoir ses yeux pleins de larmes. On devine sans peine que c’est elle, ce dernier soutien indéfectible dont il parlait. Au délibéré, Monsieur A. est reconnu coupable et condamné à trois mois d’emprisonnement ferme qui s’ajouteront à sa peine actuelle. À l’annonce du verdict, il se tourne à nouveau vers la jeune femme encore émue, seule personne de son entourage venue assister à l’audience.